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Mireille Darc : "J'ai une passion pour la photograpie et l'ésotérisme..."

2017

L’actrice avait reçu «Libé» chez elle en 2015. Loin du cinéma, elle s’épanouissait enfin, filmant des vies de femmes.

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«J'ai grandi avec mes documentaires»

C’était en décembre 2015. France 2 s’apprêtait à diffuser son documentaire sur des femmes SDF. On l’avait rencontrée chez elle, mince jeune femme de 77 ans en chemise d’homme, douce et attentionnée sous son éternelle frange. Dans ce superbe duplex à deux pas des Champs-Elysées, aménagé par son dernier mari, l’architecte Pascal Desprez, on avait discuté de la seconde vie de Mireille Darc. Fatiguée des propositions de rôles qu’elle continuait de recevoir mais dont elle ne voulait plus - «je ne vais pas jouer quelqu’un de plus jeune que moi, c’est ridicule, et les rôles de mon âge, ça devient des mamies» - trop stressée par le théâtre, l’actrice avait progressivement rangé ses costumes au placard dès les années 80. On osait dire qu’elle avait très bien vieilli. Elle acquiesçait, chipotant sur le verbe : «Je n’ai pas d’âge dans ma tête.» Elle s’était offert une dernière affiche avec les sagas d’été de TF1 au milieu des années 90 et n’en tirait aucune gloire : «On vous propose des choses, vous essayez, si vous refusez c’est de la bêtise.»


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Elle préférait cultiver dans une relative confidence ses passions les plus récentes : la photographie, découverte avec Jeanloup Sieff dès les années 60 mais davantage pratiquée sur le tard (au point de s’offrir une exposition début 2016), et l’ésotérisme, dont elle pouvait parler des heures, sans prosélytisme non plus. «Il y a des carrefours en Bretagne avec des croix, vous pouvez être sûr que c’est un plan tellurique, il y a un croisement énergétique à cet endroit. Si j’y passe, je m’arrête, je m’assois par terre et j’essaie de comprendre un moment», expliquait-elle simplement, de sa voix posée. Surtout, elle s’attardait sur la façon dont son deuxième métier s’était imposé à elle, à force d’expériences renouvelées à la réalisation de documentaires pour la télé. Une dizaine de productions aux allures d’obsessions : arpenter le périph parisien pendant des semaines pour rencontrer des travailleuses du sexe, ouvrir les portes d’un couvent pour s’intéresser aux religieuses, écumer les soupes populaires pour interviewer des SDF… Des sujets sur les femmes, toujours, parce que «leur sensibilité, leur fragilité, je les sens aussi». Des sujets difficiles, qui la confrontaient à ses propres «peurs» et ses «gênes». Elle nous confiait : «Ces documentaires, ce sont mes lettres de noblesse. C’est ce qui m’a le plus enrichie sur le plan humain. […] Aucun scénariste ne m’a écrit quelque chose d’aussi violent. J’ai grandi avec mes documentaires, ce que je n’avais pas fait au cinéma.»

Baptiste Bouthier

Source : www.liberation.fr/