Voyage à Pescara

2016

Eté 1978, j‘ai six ans, nous sommes dans la voiture et roulons en direction de Pescara en Italie.
Le voyage est long : “c’est quand qu’on arrive ?”. Cette question me fait rire maintenant, car j’ai dû les rendre fous en la posant inlassablement pendant des kilomètres.

C’est la première fois que je pars en vacances avec mémé Marcelle, de plus, pour une longue période. Tonio, le conjoint de mémé, m’a appris l’italien pendant des mois et je me débrouille plutôt bien.

Cette année là, j’ai appris une chanson par cœur. Je la chante dans la rue et au restaurant cela fait bien rire tout le monde : « quand j’était petit, je n’était pas grand, je montrais mon cul à tous les passants… ».

Un petit problème se pose dès la première nuit, je n’arrive pas à m’endormir car ma “totote” ne fait pas partie du voyage, supprimée à cette occasion ! L’occasion de grandir… Heureusement, Spiderman était là, lui.

Mémé me prend avec elle dans son lit “pour cette fois” et Tonio dort sur un lit de camp, qu’il déplie dans la cuisine.

Au dessus du lit, il y a un crucifix et mémé pour me calmer et répondre aux questions qu’il m’inspire, m’explique donc pourquoi et comment “le petit jésus” se trouve sur la croix.

L’histoire me semble claire et compréhensible, cependant, pour moi, sa place est au cimetière, je comprends aussi que c’est une protection de l’avoir au dessus du lit et de prier avant de dormir.
Elle est pieuse Mémé, sur sa table de nuit, elle a la photo en noir et blanc de Sainte Thérèse de Lisieux. Petit, je pensais qu’elle était de la famille…

Au bout d’un moment, je commence à m’endormir mais le baiser de mémé sur le front et sa phrase : “bonne nuit mon petit jésus!” me fait hurler de peur, de panique, d’horreur !! En pleine nuit et durant des heures, je crie et je pleure , réclamant maman, je ne veux même plus que mémé m’approche. Mémé et Tonio se disputent violemment et s’insultent !

Moi, je me voyais accroché sur le mur en haut du lit, souffrant sur une croix, avec des clous plantés dans les mains et les pieds ! J’ai finalement trouvé le sommeil dans la cuisine avec Tonio et me suis endormi en pensant que les hommes étaient cruels et que “la vie voulait ma peau”.

Cet été là, le pape est mort et nous avons eu une grosse tempête qui ravagea, entre autres, les plants de tomates. Dans la cour tout volait, la mer menaçait de tout inonder et Maria la femme de Luigi, le propriétaire, criait à la fin du monde !

Christophe Dy pour AVS/2016

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