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Grigris, voyance, horoscope... Pourquoi a-t-on besoin d'irrationnel ?

2017

Malgré les réponses de plus en plus nombreuses de la science dans tous les domaines et l’omniprésence de la technologie dans nos vies, nous continuons à avoir recours à des pratiques irrationnelles. A quoi nous servent-elles ? Décryptage.

Croire aux prédictions, au pouvoir des grigris, être superstitieuse, ou au contraire réfuter tout ce que la raison et la science n’expliquent pas... Nous sommes tous concernés un jour ou l’autre par la tentation de l’irrationnel. Nos préjugés, nos illusions, nos croyances ou nos fantasmes inconscients nous empêchent d’y échapper complètement. Alors, entre celui qui se persuade que le diable a pris la forme d’un chat noir pour le menacer et celui qui caresse l’animal (ou l’ignore), quelle différence ? « Les uns s’appuient sur ces croyances pour régler leur conduite (leur horoscope va déterminer leurs décisions et le cours de leur journée), les autres cherchent au contraire à réduire la part d’inexplicable dans leur vie ; l’instruction et l’expérience nous apprennent d’ailleurs à ne pas être dupes de toutes nos illusions. » nous dit le psychanalyste Jean-Pierre Winter

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L’impression que l’univers s’intéresse à nous

Sans donner aux astres les pleins pouvoirs sur notre vie, il nous arrive de consulter notre horoscope au détour d’un magazine. Pour nous faire plaisir le temps de la lecture (pourquoi pas!) et l’oublier aussitôt. Ou, si les prédictions nous sont défavorables, décider simplement que l’on n’y croit pas. Que cherche-t-on, au fond, à travers les lignes ? Selon Jean-Pierre Winter, « même si on n’y adhère pas vraiment, on le regarde parce que c’est l’endroit où nous nous donnons l’illusion que l’univers s’intéresse à notre personne. C’est comme si il y avait dans l’espace quelqu’un qui pense à nous, qui sait ce qui va nous arriver, et ça fait du bien.»


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Le grigri fonctionne comme un objet transitionnel

« Je ne me sépare jamais d’une petite boîte, je n’y pense pas, mais je sais qu’elle est là, dans mon sac. C’est comme un doudou », dit Cécile, pourtant loin d’être envahie par les superstitions. On sait que le doudou permet de supporter la séparation, de créer un espace transitionnel où l’on souffrirait moins. «Il y ici une dimension régressive vers le temps de l’enfance idéalisée, un temps d’harmonie, sans douleurs et sans contradictions», reprend le psychanayste. En fait, le grigris fait office de fétiche dont la fonction est de se substituer à ce qui n’est pas là et nous manque. Alors, si ça nous fait du bien, pourquoi s’en priver ? «Tout ce qui permet de quitter un état de souffrance et de deuil et de reprendre le cours de sa vie est bénéfique», nous dit-il. Ainsi, l’intime conviction de communier avec nos aimés disparus, percevoir des signes de leur présence, en chercher, ne serait pas pure folie ? Non, à condition que cela serve de levier pour sortir d’une étape douloureuse et qu’on ne s’y installe pas.»


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Chacun de nous posséderait des dons divinatoires

Chercher à clarifier notre vie, à en savoir plus sur notre destin –surtout en temps de crise et malgré les tarifs plutôt prohibitifs des voyantes –, la voyance nous attire depuis la nuit des temps, mais avec ambivalence : l’idée qu’il y a quelque part un savoir sur nous qui n’est pas tout entier à notre disposition, c’est angoissant. Il n’empêche, le marché reste très porteur, bien que controversé, y compris par certains spécialistes du genre. « Quand elle construit votre histoire à votre place (dans deux ans, vous allez divorcer), la voyance est une imposture, dénonce Eliane Gauthier. Car son rôle est de révéler l’intuition juste que vous portez au plus profond de vous, pas de vous mettre dans une position de passivité enfantine et dangereuse qui nourrit toutes sortes de fantasmes. Selon plusieurs spécialistes, nous serions tous un peu médiums. « Quand on dit : “Je le savais!”, c’est déjà un petit éclair de voyance», affirme Eliane Gauthier. Le philosophe et anthropologue Bertrand Méheust** confirme qu’une forme de préscience existe chez tous les êtres humains : « La prédiction a la même structure que la réminiscence. » Après avoir compilé des centaines de cas, le philosophe rattache cette faculté aux prodigieuses capacités de la mémoire. Ainsi, «la voyance est une dimension étendue de la mémoire, une fonction mentale permettant de connaître le passé, mais aussi le présent et le futur, comme si l’esprit humain était capable, d’accéder à un hyper espace temporel." Or tout cela ne rentre pas dans la logique de notre société qui ne reconnaît que la mémoire du passé personnel. « C’est votre inconscient qui est voyant et qui cherche à se faire entendre. Et cela peut vous donner une ouverture pour mieux gérer votre vie », selon Eliane Gauthier. Une analyse renforcée par la psychanalyste Marie-Laure Colonna : « La voyance n’est pas une pensée magique, mais une sorte de rapport d’inconscient à inconscient qui doit toujours être décryptée de manière symbolique et soumis à une réflexion critique.».

* Eliane Gauthier et Jean Sandretto auteurs de : « Le psychiatre et la voyante », édition Almora.

** Bertrand Meheust auteur des « Miracles de l’esprit », édition Les empêcheurs de tourner en rond/ La découverte.

Isabelle de Baleine - http://www.femmeactuelle.fr